« Je vis sur les falaises, j’adore positivement ces falaises d’Étretat. Je n’en connais pas de plus belles et de plus saines. Je veux dire saines pour l’esprit. C’est une admirable route entre le ciel et la mer, une route de gazon, qui court sur cette grande muraille, au bord de la terre, au-dessus de l’océan. Mes meilleurs jours sont ceux que j’ai passés, étendu sur une pente d’herbes, en plein soleil, à cent mètres au-dessus des vagues, à rêver. »
Guy de Maupassant (L’Homme de Mars) 1887
Cyriaque Lethuillier, Portrait :
Normandie : Cyriaque Lethuillier, gardien de la côte sauvage
En descendant le grand escalier de la plage du Fourquet, situé en contrebas du phare d’Antifer, Cyriaque Lethuillier est toujours confronté à la même sensation d’enfance. « J’ai passé tellement de temps ici à jeter des petits galets dans la mer, à observer les oiseaux, à pêcher les crabes » soupire-t-il, les narines frémissantes et l’œil aux aguets.Encore aujourd’hui, le naturaliste du littoral cauchois sait apprécier sa chance de travailler et de vivre si près de ce petit paradis, à peine contrarié par le bout de la digue du terminal pétrolier d’Antifer qu’il aperçoit au lointain dans l’écume des vagues. Même si son lieu de travail principal se situe à proximité des célèbres falaises d’Etretat, c’est plutôt là, au Fourquet, loin du tourisme de masse, qu’il chérit son pays.Où plutôt celui de son grand-père qui tenait une ferme à La Poterie-Cap-d’Antifer.
Cyriaque Lethuillier, lui, est un enfant du Havre, du quartier Danton où ses parents tenaient une boulangerie, rue Anatole-France. « Mais c’est ici, chez mon grand-père que je passais toutes mes vacances » se souvient-il. Ce grand-père, fin observateur de la nature, est comme tout bon représentant de la ruralité de l’époque, un chasseur émérite. « C’est l’un de mes paradoxes. Je suis arrivé à la protection de la nature par la chasse » avoue Cyriaque Lethuillier. Lui-même possède son permis de chasse, même s’il a mis son fusil au placard depuis longtemps. « Encore aujourd’hui, je ne suis pas un anti-chasse » assure-t-il. « Le prélèvement, quand il est respectueux, ne me gène pas. En revanche, je ne supporte pas l’acharnement des chasseurs contre les nuisibles comme les renards. C’est toujours la même chose, l’homme ne supporte pas ceux qui rivalisent avec eux sur leur territoire. » Aujourd’hui, c’est sans aucun doute l’homme et sa volonté tenace de mettre au pas la nature sauvage qui motivent Cyriaque Lethuillier à toujours fait découvrir son territoire. « En montrant ce qu’il y a de plus beau, je pense être plus efficace qu’en dénonçant ou en donnant des leçons. »Après l’obtention d’un bac Gestion de la faune sauvage et un stage à compter les oiseaux pour le Groupe Ornithologique Normand, Cyriaque Lethuillier est recruté comme technicien des espaces naturels pour l’association Défi-Caux qui se charge de la gestion du littoral étretatais. « Comme je m’occupe notamment des chevaux de trait qui pâturent dans les valleuses, je passe facilement comme un écolo baba cool qui veut remettre tout le monde à la carriole et à la bougie » assure-t-il avec ironie.Pourtant, le trentenaire n’est pas un militant politique convaincu et se contente bien volontiers d’un rôle de conseiller municipal sans étiquette à la Poterie. C’est surtout avec Natterra, sa structure personnelle qui propose des visites des Hautes Falaises que le guide naturaliste transmet au mieux son message au public. Une entreprise artisanale et qui doit le rester. « Si j’en faisais trop, j’irai à l’encontre de ce que je professe » insiste-t-il. « Sur un site de tourisme de masse comme Etretat, je ne veux pas en rajouter. » Mais Cyriaque Lethuillier n’hésite pas à emmener en balade crépusculaire des cadres d’entreprises en séminaire.« On m’en fait parfois le reproche. Mais je suis convaincu que l’homme le plus civilisé, le plus intégré dans la modernité, a besoin de renouer avec une nature sauvage. »C’est ce credo qui le motive à exprimer son hostilité au projet de la plateforme d’éoliennes offshore au large d’Etretat.« Nous avons besoin de conserver des lieux où la présence de l’homme reste invisible » souligne-t-il en scrutant l’horizon depuis la plage du Fourquet. « Les éoliennes, dans quelques années, par leur présence, nous rappelleront qu’on ne peut échapper à la civilisation, au béton… Moi, ça m’oppresse. »
Ses grandes dates
– FEVRIER 1997 : « Un voyage d’écovolontariat dans une réserve naturelle du Sénégal qui a changé mon regard sur le monde. »
– 16 novembre 2001 : « Décès de Jules Lethuillier, mon grand-père qui m’a transmis sa fibre naturaliste. »
– 15 juin 2002 : « Mon mariage avec Estelle. J’ai eu la chance qu’elle tombe amoureuse de moi mais aussi de mon microcosme d’Antifer-Etretat. »
– 17 avril 2007 : « La création de Natterra qui m’a offert une nouvelle tribune pour faire passer le message. »